CRIME CONTRE L’HUMANITÉ

CRIME CONTRE L’HUMANITÉ
CRIME CONTRE L’HUMANITÉ

CRIME CONTRE L’HUMANITÉ

«Atrocités et délits y compris mais sans être limités à l’assassinat, à l’extermination, la mise en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne des pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal.» Cette définition du crime contre l’humanité, notion créée pour la circonstance, a été donnée par l’article 6(c) du statut du tribunal militaire international de Nuremberg (8 août 1945) chargé de juger et de punir les grands criminels de guerre des pays européens de l’Axe. L’expression, quant à elle, est plus ancienne: on la trouve en 1915 dans une déclaration de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie évoquant le massacre des Arméniens par les Turcs.

La Convention des Nations unies de 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ajoute à cette liste: «L’éviction par une attaque armée ou l’occupation et les actes inhumains découlant de la politique d’apartheid, ainsi que le crime de génocide, tel qu’il est défini dans la Convention de 1948.»

Le génocide est défini par la Convention du 9 décembre 1948 comme le recours à des crimes de droit commun (meurtres de membres du groupe, atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre groupe) «dans l’intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique ou religieux comme tel». Cette rédaction indique bien que la spécificité du crime ne tient ni à la matérialité des actes (qui relèvent tous du droit commun universel) ni aux circonstances (l’état de guerre ne constitue pas un préalable nécessaire), mais bien à l’intention clairement établie de détruire un groupe humain pour des motifs raciaux, politiques ou religieux.

La répression des crimes contre l’humanité, plus encore que celle des crimes de guerre, puisque les premiers peuvent se commettre en temps de paix, pose le problème d’un droit pénal international.

L’exemple de la répression du génocide vient confirmer l’infirmité du système. La Convention de 1948 dispose, dans son article 6, que «les personnes accusées de génocide seront traduites devant les tribunaux compétents de l’État sur le territoire duquel l’acte a été commis ou devant la Cour criminelle internationale qui sera compétente à l’égard de celle des parties contractantes qui aura reconnu sa juridiction». Comme la cour en question, dont le sort a malencontreusement été lié à la définition de l’agression, n’a jamais vu et ne verra sans doute jamais le jour, on en est réduit à la première branche de l’alternative. Or le recours aux juridictions nationales est, en l’espèce, très illusoire. Le génocide ne peut être, sauf exception, le fait d’un groupe isolé agissant à l’insu des dirigeants d’un État et contre la loi de cet État; l’expérience du nazisme prouve qu’une entreprise criminelle de cette envergure implique l’assentiment et même la participation du pouvoir d’État et de ses agents.

En outre, si la Convention de 1968 énonce le principe de l’imprescriptibilité, elle ne prévoit pas de sanctions applicables à ceux qui l’enfreignent. Devant la difficulté d’énoncer un droit pénal international, on a vu s’affirmer la tendance à assurer la répression par la voie des droits internes: la loi française du 26 décembre 1964 «tendant à constater l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité», valant autant pour l’avenir que pour le passé, a entendu donner une solution permanente au problème de la prescription de ces crimes, alors que certaines autres législations (Israël, U.R.S.S., par exemple) ont eu pour but d’empêcher la prescription des crimes hitlériens.

En France, jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal (1er mars 1994), la sanction des crimes contre l’humanité s’appuyait sur une définition jurisprudentielle donnée par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 1985. Le Code a tenu à placer, en tête du livre II (Des crimes et délits contre les personnes ), le titre «Des crimes contre l’humanité» (art. 211-1 et sqq.), introduisant ainsi cette incrimination dans la loi pénale interne. Celle-ci distingue le génocide et les «autres crimes contre l’humanité». La définition du premier emprunte directement à celle de l’article 2 de la Convention de 1948, mais avec deux différences notables. D’abord, l’infraction est constituée quand les agissements punissables ont été effectués non plus selon une «intention», mais «en exécution d’un plan concerté» tendant à la destruction d’un groupe: en choisissant le critère objectif de préférence au critère subjectif, les rédacteurs du Code ont voulu, comme ceux du statut du tribunal de Nuremberg, mettre l’accent sur le caractère systématique de l’entreprise criminelle; ils ont aussi soumis la constitution de l’infraction à une condition dont il n’est pas toujours aisé de prouver qu’elle a été remplie. Ensuite, ils ont élargi la définition du groupe humain victime du génocide à tout groupe «déterminé à partir de tout autre critère arbitraire» que ceux déjà retenus par la Convention. Les «autres crimes contre l’humanité» définissent un certain nombre d’actes (déportation, réduction en esclavage, exécutions sommaires massives et systématiques, enlèvements de personnes suivis de leur disparition, torture, actes inhumains) inspirés «par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux» et organisés «en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile» (art. 212-1) ou, en temps de guerre, «contre ceux qui combattent le système idéologique au nom duquel sont perpétrés des crimes contre l’humanité (art. 212-2), sans que ces actes tendent à la destruction totale ou partielle du groupe (auquel cas, il s’agirait d’un génocide). Les différentes catégories de crimes contre l’humanité comme la participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de leur préparation sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté, sans préjudice des peines complémentaires. Les personnes morales sont désormais pénalement responsables de ces crimes. Enfin, par dérogation au droit commun, l’auteur ou le complice ne peut être exonéré de sa responsabilité du seul fait qu’il a accompli un acte prescrit ou autorisé par la loi, ou commandé par l’autorité légitime; l’action publique et les peines prononcées restent imprescriptibles.

L’apologie des crimes contre l’humanité est, comme celle des crimes de guerre, punissable de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 francs d’amende.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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